J’ai entendu cette remarque au détour d’une interview de David Laroche par Olivier Roland : « Le meilleur moyen de ne pas être frustré est d’interdir à son subconscient de rêver« . Cette démarche consisterait donc à s’interdir plus ou moins consciemment de rêver pour éviter d’avoir à constater notre propre incapacité à réaliser nos rêves. Je n’avais pas pris la mesure de la gravité de la démarche avant que David ne mette des mots dessus. Elle relève pourtant d’un crime à l’échelle d’une population qui s’interdirait de rêver ou de mettre ses rêves à l’échelle de leur ambition, même si elles sont démesurées. Une civilisation qui s’empêche de rêver est déjà en plein déclin car elle ne peut plus penser l’avenir ou seulement mettre en oeuvre des projets qui garantiraient sa son évolution, sa réussite, donc son bonheur. Il s’agirait donc potentiellement d’une civilisation dépressive et malheureuse, si ce n’est frustrée et régressive.
Bien que je n’ai formulé jusqu’ici que des hypothèses, je suis convaincu que ce constat n’est pas loin de la réalité. Dans un quotidien contraint, les citoyens n’ont qu’une marge de manoeuvre très réduite pour mettre en oeuvre ce qui compte réellement pour eux. Ils obéissent aux dictats sociaux, économiques, politiques, professionnels, émotionnels, familiaux ou même amicaux. Dans tous les cas, l’expression de la liberté n’est que très limitée. J’entends d’ici certains lecteurs qui avanceront l’idée que la liberté est un leurre ou qu’elle est bien évidement toujours contrainte. Mais ce que je discute ici n’est pas la capacité de tout un chacun de faire littéralement ce qu’il veut, quitte à faire n’importe quoi. Mon idée est plutôt d’évaluer la capacité des individus à rejoindre régulièrement leurs valeurs profondes dans l’action. À atteindre le plus haut niveau d’alignement possible avec leur personne.
N’avez-vous jamais constaté que vous étiez, vous même ou vos proches, incapable de formuler une aspiration profonde, de celle qui transcenderait votre être et votre vie ? Je suis pourtant convaincu que nous avons tous en nous la clé qui détermine ce qui constitue une action qui serait en accord avec nos valeurs profondes. Si nous prenons le temps de nous écouter, nous savons cela.
Les raisons invoquées pour expliquer cette incapacité peuvent alors être multiples, il y a les classiques : je suis déjà comblé, je n’ai pas trop d’idées, je manque de créativité, je suis fatigué, etc. Mais permettez-moi de ne pas y croire totalement. Le fait de vivre quotidiennement dans une société où la violence symbolique est profondément ancrée, où l’obéissance aveugle est exigée par les employeurs ou le corps politique sont des marqueurs déterminants de notre incapacité à rêver.
En effet, à quoi bon rêver quand notre capacité à réaliser ces rêves est presque totalement annihilée ?
Eh bien vous pourriez y gagner une meilleure santé (cesser les trajets domicile/travail de plusieurs heures par jour et qui vous épuisent), du temps pour vous (une organisation plus libre du temps de travail pour être plus efficace), vivre là où vous le voulez vraiment (et pas là où votre employeur l’a décidé), éloigner les risques de dépression/burn-out/bore-out (vous choisissez des activités qui collent à votre mission de vie et vous leurs redonnez donc du sens), etc. Accepter d’écouter à nouveau sa petite voix intérieure aurait donc des bienfaits insoupçonnés car c’est elle qui vous souffle vos rêves et aspirations.
Quand vous étiez enfant, vous saviez ce qui était bon pour vous et vous choisissiez instinctivement vos activités, vous étiez profondément heureux. Même si tout n’est pas aussi simple, je tente modestement de vous faire la démonstration que vous savez instinctivement ce qui est bon pour vous et que vous l’avez toujours su. C’est la société, pour un certain nombre de raisons perverses, qui vous détourne progressivement de l’écoute de vous-même quand vous arrivez à l’âge adulte. J’ai déjà cité précédemment un certain nombre des raisons probables de la mise en oeuvre de ce contrôle « agressif ». Ne perdez donc pas ce contact avec vous-même car il est votre meilleure garantie de bonheur, il pourrait même être le terreau le plus fertile de votre réussite car vos forces et votre volonté seront décuplées si vous êtes convaincus de vous trouver au bon endroit et au bon moment.
La société capitaliste est largement responsable de cette perte de contact avec nous-même car celle-ci tente chaque jour de substituer vos propres aspirations par les siennes. Vous n’aimez pas voyager ? On vous explique insidieusement qu’il s’agit d’un vecteur de bonheur garanti que de voyager. Avec à l’appui toute une iconographie du voyage qui ne vous permet pas de penser le contraire. Si c’est une évidence que les voyages apportent le bonheur, il est donc impossible que leur contraire (une certaine forme de sédentarité) n’apporte le même niveau de bonheur. Et la construction d’une haine collective de notre propre pays (écoutez donc certains responsables politiques dont je tairai le nom) participe de cette logique car, si nous haïssons notre propre pays, ne faudrait-il pas le fuir aussi souvent que possible ? Pour partir évidement le plus loin possible car les voyages seront facturés encore plus cher, promesse de gains supplémentaires pour les voyagistes. C’est un exemple parmi d’autres et il y a évidement bien d’autres raisons de voyager que de se soumettre à un dictat économique. Mais en réfléchissant un peu, j’ai trouvé un grand nombre de raisonnement de ce type qui conduisent systématiquement la société capitaliste à substituer nos aspiration personnelles par les siennes.
Pour recentrer mon propos, je souhaiterai préciser que cette nécessité d’être aligné et de fiabiliser notre accession au bonheur est un enjeu encore plus important pour le travailleur indépendant que pour le salarié. Ce dernier n’ayant la plupart du temps qu’à obéir à son manager, le risque d’une crise de sens ne lui fait pas courir de péril économique immédiat. En revanche, pour le premier, perdre le sens et le pourquoi lui fait courir le risque d’échouer dans sa mission qui consiste à servir ses clients et à subvenir par-là même à ses besoins. Car s’il n’est plus motivé par son action professionnelle, qui le sera à sa place ? Personne d’autre que lui n’ayant la motivation de réussir dans son propre domaine professionnel à part lui.
L’indépendant doit donc veiller à conserver sa motivation et sa joie de vivre intacte car il s’agit-là d’ingrédients fondamentaux de sa réussite, la maîtrise technique de son métier arrivant largement derrière en terme d’importance.
Alors comment faire ? Eh bien, ce sont les classiques chemins de la connaissance de soi-même, de ses émotions et plus largement les domaines de la psychologie et du développement personnel qui permettront à l’individu de renouer avec lui-même s’il d’aventure il s’était perdu en chemin. Cette connaissance intime est la garantie d’une perception fine de notre existence et des conditions de sa réussite à long terme.
Alors que pourrions-nous nous souhaiter d’autre que ce bonheur tant attendu ?
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